Google est-il encore utile?

Insights
8 novembre, 2023

Google est-il encore utile?

Insights
8 novembre, 2023

Par
Fabien Loszach

Une discussion a animé le forum de Hacker News, un site de référence de la communauté start-ups: Google est-il en train de mourir? Le moteur de recherche de Google serait en perte de vitesse: sur-monétisé, noyé sous des tonnes de liens sponsorisés ou de liens optimisés pour le SEO, il ne serait plus que l'ombre de lui-même.

Encore un article sur la mort de Google?

À quoi bon écrire une  énième chronique pour  dire que Google est mort? Alors que  Google, qui a soufflé le mois dernier ses 25 bougies, ne semble jamais s’être aussi bien porté. Le moteur domine toujours outrageusement le marché de la recherche avec  90% du marché mondial et ses revenus ont crû de 7% cette année pour atteindre 75 milliards.

Pourtant, plusieurs signaux faibles indiquent que cette entreprise connaît ces derniers mois, des vents contraires. Parmi ces signaux, il y a une discussion qui a animé le forum de Hacker News, un site de référence dans la communauté des start-ups et du développement web. Cette discussion est partie d’une publication intitulée Google Search Is Dying; publication qui  a été la plus des plus plébiscitée de l’histoire du forum. 

Cette publication explique que le moteur de recherche de Google n’est plus ce qu’il était: sur-monétisé; noyé sous des tonnes de liens sponsorisés ou de liens optimisés pour le SEO, il serait plus difficile que jamais de trouver des réponses à nos questions.

Comment Google s’est imposé

À la fin des années 90, les moteurs de recherche comme Lycos et AltaVista dominaient un marché qui était encore dans son enfance, mais ils étaient peu performants, voire tout simplement nuls.

Ces moteurs fonctionnaient sur un principe assez simple: ils calculaient la pertinence d’un site par le nombre de fois que le mot recherché était présent sur le site et par la popularité du site. Mais cette popularité a toujours été compliquée à quantifier. 

Larry Page et Sergey Brin, ont eu une idée géniale pour bâtir PageRank (l’algorithme au coeur de Google). Cette idée, ils l’ont empruntée au monde universitaire (ils étaient alors doctorants à Stanford) en appliquant au web le fonctionnement de l’évaluation des papiers scientifiques. 

Un papier scientifique est reconnu quand il est cité par d’autres chercheurs.Une citation est donc une forme d’approbation de la qualité du contenu de votre papier. Sur ce modèle, une page web c’est comme un papier scientifique et  un lien qui redirige  vers votre site c’est comme une citation d’un pair. Les sites ayant beaucoup de liens pointant vers eux (liens entrants), sont donc plus populaires. 

Deuxième élément important pour calculer la pertinence d’un site: sa fiabilité. Ces liens doivent aussi être fiables (sinon il suffit de générer des centaines de liens vers votre site pour tromper l’algorithme). Votre article universitaire est reconnu comme étant fiable si les professeur.es qui vous citent sont eux-même dignes de  confiance(Des sommités provenant de grandes universités).

Et pour déterminer la fiabilité de ces sites , Larry Page et Sergey Brin ont créé une échelle de 0 à 10,  allant de 10 (les sites les plus fiables comme les gouvernements, ONG, Université etc) à 0, les sites moins fiables.

En croisant ces deux variables (liens entrants et fiabilité des sites) , on arrive à vraiment déterminer la popularité, mais aussi la fiabilité d’une page sur un sujet précis. Bien évidemment Page Rank contient  des milliers d’autres facteurs, mais c’est ce page rank qui a bâti la légende du moteur.

L’intégration de la publicité, le deuxième coup de génie de Google

Avoir réussi à développer une solution publicitaire ultra-performante qui soit qualitative pour les annonceurs sans déranger les usagers est le deuxième coup de génie des fondateurs de Google. 

À cette époque (début des années 2000) tout le monde ne jurait que par la bannière. Mais ce format posait plusieurs problèmes: il gênait la lecture et générait peu de clics pour les annonceurs.

Les fondateurs de Google vont avoir encore une fois une idée lumineuse: des résultats de recherche payants sous la forme de liens hypertexte qui ressemblent aux résultats non payants.  C’est un format qui ne gêne en rien la lecture et se fond parfaitement dans le design de la page.

Pour les annonceurs, ce format s’avère très performant: les internautes sont relativement avancés dans ce qu’on appelle leur “parcours d’achat” puisqu’ils sont en train de chercher un produit ou un service. Il y a donc de grandes chances qu’ils achètent ce produit.

Et puis, Google a inventé une formule qui va parachever son succès: le coût par clic. Les annonceurs ne payent que quand les utilisateurs cliquent sur la publicité. Aujourd’hui la publicité sur Google représente le tiers de toutes les dépenses publicitaires numériques de la planète.

L’équilibre perdu

La principale critique qui est faite à Google dans la publication sur Hacker News concerne l’omniprésence de la publicité dans les résultats de recherche. 

D’une part, la  distinction entre les annonces publicitaires et les liens sponsorisés est de moins en moins claire. Et puis, les résultats payants occupent désormais beaucoup trop de place. Google affirme qu’il ne devrait y en avoir que 4, mais plusieurs utilisateurs en ont remarqué 5. Il y a aussi les publicités de produits qui occupent un large bandeau au premier plan.

Ajoutons à cela les modules (widgets) que Google ajoute pour vous faciliter la recherche comme l’intégration de la carte, les recherches connexes,les questions les plus posées… Résultat: il faut désormais faire défiler longuement la page pour trouver l’information que l’on cherchait et qui arrivait avant en première position par le passé.

Cela a clairement des répercussions quand on sait que 57 % du temps passé en ligne se fait au dessus du Fold (la limite du contenu sur votre écran, ce que l’on voit avant de commencer à faire défiler.

De nouvelles façons de chercher en ligne

L’autre grande menace pour Google, c’est le comportement des usagers et la façon dont les gens cherchent en ligne. Quand  il s’agit de produits de consommation, la recherche ne commence plus nécessairement sur Google mais de plus en plus sur Amazon.  Autre chiffre inquiétant, selon les dirigeants de Google, 40 % des adolescents et des jeunes adultes recherchent des recommandations sur TikTok.

Et puis il y a aussi la révolution de l’intelligence artificielle. The Economist racontait cet été que le lancement de la dernière version de Chat GPT avait créé un véritable vent de panique à l’intérieur des bureaux d’Alphabet, la maison-mère de Google.  Google craint que les internautes se tournent vers ChatGPt plutôt que Google pour leur questions.

The dead Internet theory

Mais l’autre danger de l’IA pour Google c’est qu’il permet de générer du texte  de manière automatique et de noyer l’internet, mais aussi l’algorithme de Google sous des tonnes de contenus optimisés.

À ce sujet, il y a une théorie du complot amusante qui est apparue récemment qui s’appelle la Dead Internet Theory. Elle raconte qu’internet est désormais un espace de morts-vivants  habité uniquement de robots et de contenus générés par l’intelligence artificielle. Les seuls humains restant sont des influenceurs au service du capitalisme. Les humains, les vrais vivants dans des espaces clos appelés réseaux sociaux. 

Cette théorie reflète un sentiment général selon lequel le Web authentique et humain aurait disparu, et avec lui notre confiance dans l’outil.

Le plébiscite de Reddit

Si l’on en croit encore la publication Google Search Is Dying les meilleures informations seraient sur Reddit.  Pour ce côté humain justement. Reddit abrite des forums sur une infinité de sujets, gérés par des amateurs et spécialistes.

Cela ne veut pas dire que la technologie de Google est moins bonne, mais que, pour certains sujets (recommandations nottaments), on fait plus confiance aux discussions d’humain sur Reddit qu’aux résultats de Google.

Est-ce que cela signifie la fin de Google? Certainement pas, mais c’est un avertissement. Rappelons quand même que 6 des produits d’alphabet (la recherche Google, le système d’exploitation mobile Android, le navigateur Chrome, le Google Play Store pour les applications, les outils de productivité Workspace et YouTube) comptent chacun plus de 2 milliards d’utilisateurs mensuels.

À lire

  • Is there more to Alphabet than Google search? LIEN 
  • Is Google getting worse? Increased advertising and algorithm changes may make it harder to find what you’re looking for – LIEN 
  • The end of the Googleverse – LIEN 
  • Google Search Is Dying – LIEN  
  • Maybe You Missed It, but the Internet ‘Died’ Five Years Ago – LIEN 
  • The Tragedy of Google Search – LIEN 
  • Users, advertisers – we are all trapped in the ‘enshittification’ of the internet – LIEN 
  • Why Google is no longer the most important search engine on the web – LIEN
  • The Open Secret of Google Search, One of the most-used tools on the internet is not what it used to be. LIEN
  • A visual history of Google ad labeling in search results – LIEN