Faut-il encore Investir en France ?

Insights
1 juillet, 2024

Faut-il encore Investir en France ?

Insights
1 juillet, 2024

Par
Fabien Loszach

2e économie de la zone euro, la France est également le 2e pays le plus peuplé de l’Union Européenne. Son économie diversifiée et sa main-d'œuvre qualifiée attirent les investissements étrangers, en faisant la destination la plus prisée du continent, devant l’Allemagne, pour la 5e année consécutive. Cependant, la perspective d'une victoire d'un parti d'extrême droite anti-libéral et peu expérimenté pourrait ralentir cet élan. Devrait-on encore investir en France?

Un contexte politique incertain

La dissolution de l’Assemblée Nationale a accentué un contexte politique incertain, la question de la poursuite de ces investissements internationaux va dépendre du résultat du second tour des élections et de la mise en place d’un nouveau gouvernement.

Le 7 juillet les électeurs voteront pour le 2e tour de l’élection entre les candidats finalistes dans chacune des 577 circonscriptions. La fragmentation politique force à considérer plusieurs scénarios post-élection.

Scénario 1 : le Rassemblement National parvient à une majorité absolue

le Rassemblement National parvient à une majorité absolue de 289 députés et forme un gouvernement. Ses propositions économiques phares semblent abandonnées. Leur campagne met en avant une baisse de taxes sur l’énergie alors que  l’abrogation de la réforme des retraites est repoussée. C’est leur capacité de gouverner qui interroge, étant donné la faible expérience de leur leader Jordan Bardella. Son audition devant le patronat français a fait ressortir l’écartèlement entre les promesses populistes qui séduisent leurs électeurs et la nécessité de rassurer les milieux économiques.

Conséquences possibles au regard de l’investissement : L’accession au pouvoir de l’extrême droite peut provoquer de grandes manifestations et une tension sociale accrue. Cette perspective, couplée à l’inexpérience du Rassemblement National dans la conduite des affaires économiques peut aggraver la note de la France, entamer sa crédibilité économique et enfin réduire son attractivité pour recevoir des investissements. 




Scénario 2 : L’émiettement de l’électorat en 3 blocs

L’émiettement de l’électorat en 3 blocs – extrême droite à 29%, gauche à 28% et le bloc central du président Macron à 20% et la mobilisation anti-RN fonctionne et débouche sur une Assemblée sans majorité absolue, comme en 2022, et donc rendue quasi ingouvernable. Il est important de rappeler qu’une nouvelle dissolution est impossible avant 1 an. La possibilité d’un gouvernement “technique” à l’image de l’expérience Draghi en Italie est évoquée. Néanmoins, cette option est fragilisée par l’histoire politique récente et c’est la perspective d’une France ingouvernable qui se dessine.  

Conséquences possibles au regard de l’investissement : Le scénario de l’absence de majorité devrait être le plus préoccupant pour les acteurs économiques, la France n’ayant jamais connu de gouvernement “expédiant les affaires courantes” comme en Belgique en 2019. L’endettement de la France a été jusqu’à présent contrebalancé par la poursuite d’une politique jugée favorable aux entreprises. L’arrêt ou la mise entre parenthèses de celle-ci peut contribuer à repousser les décisions d’investissement. Les premières réactions des marchés au lendemain du 1er tour semblent privilégier une absence de majorité et un gouvernement empêché de voter des réformes pendant 1 an.




Le désaveu

Le désaveu des électeurs dimanche 30 juin après 7 ans d’exercice du pouvoir par Emmanuel Macron traduit aussi la césure entre les bonnes performances macroéconomiques – la France a notamment en grande partie fait reculer son chômage de masse – et leur traduction microéconomique au niveau des citoyens. La France est en tête des pays de l’OCDE pour les dépenses publiques mais de nombreux électeurs expriment le sentiment que ces dépenses n’améliorent plus leur quotidien. La revendication des électeurs français sur leur pouvoir d’achat est reliée au système de protection sociale et notamment l’écart trop important  entre les salaires bruts, versés par l’employeur et les salaires nets, ce qui leur reste après déductions. A date, aucun parti politique n’a encore proposé une refonte de ce système. 

 

Mise en contexte et rappel des faits :

Le 13 mai, le sommet Choose France voit Microsoft, Amazon, Pfizer annoncer 15 milliards d’euros (21 milliards de $ CAD) d’investissements en France. Ces annonces se font dans un contexte où le pays atteint néanmoins un endettement de 120% du PIB et l’absence d’un consensus pour le réduire. 

Le 31 mai, l’incertitude sur la capacité politique à assainir les finances du pays a évidemment pesé dans la dégradation par S&P de la note de la France

Le 9 juin Emmanuel Macron dissout l’Assemblée Nationale et convoque de nouvelles élections législatives. La France risque une instabilité politique qui, selon les résultats du scrutin à 2 tours des 29 juin et 7 juillet prochains, pourrait remettre en question sa crédibilité économique. 

Le 19 juin l’Union Européenne a mis à l’index la France pour déficit budgétaire excessif, 5,5% pour 2023 vs les 3% requis par le Pacte de Stabilité, et surtout 15,8 milliards d’euros de plus que prévu.

Passé la sidération de la dissolution, la très courte campagne se focalise désormais sur les dossiers économiques et oppose les 3 projets en concurrence. Fait notable, le Medef (fédération des patrons français) les a auditionnés jeudi 20 juin en recevant des représentants des 3 blocs politiques.

Le 30 juin, les électeurs français votent pour le 1er tour des élections législatives, les résultats officiels : 29,25% pour le Rassemblement National, 27,99% pour le NFP, 20,04% pour Ensemble (parti d’Emmanuel Macron).